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Environnement et développement équitable

Investir pour que demain soit

Laure Waridel, sociologue et auteure

Vous rappelez-vous du conte d'Andersen Les habits neufs de l'empereur?

Il raconte l'histoire d'un monarque qui engage des tailleurs malhonnêtes. Ceux-ci prétendent confectionner des vêtements magiques invisibles aux yeux des imbéciles. Personne n'ose dire qu'il ne voit pas l'étoffe de crainte de passer pour un idiot. Pendant ce temps, les escrocs remplissent leurs poches de pierres précieuses, de fils d'or et d'argent. L'empereur parade dans la ville où le peuple hoche la tête, interloqué. Jusqu'à ce que le cri d'un enfant lucide se fasse entendre : «Il est tout nu, le roi!»

Une illusion

Lorsque je lis ce conte à mes enfants, je ne peuxm'empêcher de penser à la crise financière actuelle et aux banques qui nous ont fait croire aux mirages. Il n'y a pas si longtemps, elles paradaient, fières de leurs profits records, dans les rues de la croissance économique à tout prix. Confortablement installé au volant de la limousine de la globalisation, le monde de la finance applaudissait toute astuce qui permettait de maximiser, encore davantage, les profits. Qu'importe que ceux-ci n'aient rien à voir avec l'économie réelle. Qu'importe qu'ils entraînent le surendettement des citoyens, des pertes d'emplois, la destruction des écosystèmes et l'exploitation des plus pauvres de la planète. Seules les colonnes de chiffres comptaient. Les gouvernements hochaient la tête lorsque les banques et les grands financiers de ce monde réclamaient encore moins d'intervention des États.

En de tels contextes, vous dites-vous que l'argent mène le monde? Si oui, que fait-on avec le nôtre? Tout le monde souhaite de bons rendements, mais à quel prix? Comme le dit si bien Albert Jacquard : «Sur le Titanic en train de sombrer, est-il raisonnable de consacrer beaucoup d'efforts et d'intelligence à obtenir une meilleure cabine?» N'est-il pas temps d'investir dans l'économie réelle, celle qui crée des emplois et répond à des besoins humains véritables.

Pour des finances socialement et écologiquement responsables

La crise financière a eu le mérite de nous faire réaliser l'urgente nécessité d'une réforme en profondeur du système financier mondial. Même Sarkozy l'a dit! C'est là le rôle des États. Mais à court terme, comment peut-on investir notre argent pour qu'il serve à construire le monde que nous souhaitons léguer à nos enfants?

Être stratégique

Depuis quelques années, on a vu se multiplier les produits financiers étiquetés «verts», «éthiques», «sociaux», etc. Comment s'y retrouver? Tous n'adoptent pas la même approche.

Trois stratégies principales sont généralement utilisées afin de contribuer à un système financier plus responsable. On pense au tamisage, à l'engagement actionnarial et à l'investissement communautaire.

Le tamisage

Les filtres d'investissement peuvent être utilisés positivement ou négativement. En excluant des secteurs comme l'armement, le nucléaire et le tabac, on fait du tamisage négatif. Par contre, en sélectionnant les entreprises qui ont les meilleures pratiques du point de vue environnemental, social et de bonne gouvernance, ou en privilégiant des secteurs comme les énergies vertes, l'agriculture biologique, etc., on impose des filtres positifs.

Il vaut cependant la peine de bien se renseigner sur le type de tamisage de chaque fonds. Ainsi, l'année dernière, j'ai été surprise d'apprendre qu'un placement qui se disait vert pouvait inclure, à un moment ou à un autre, des investissements dans les sables bitumineux.

L'engagement actionnarial

Être actionnaire d'une compagnie qu'on souhaite influencer nous permet d'entamer un dialogue et de présenter des propositions durant les assemblées d'actionnaires. Si rien ne bouge, désinvestir peut aussi avoir un impact. Les actionnaires peuvent faire aller la carotte comme le bâton.

En septembre dernier, par exemple, la plus importante caisse de retraite publique norvégienne retirait un placement de 650 millions d'euros du groupe minier Rio Tinto, en raison de mauvaises pratiques environnementales que la Norvège ne parvenait pas à faire changer.

L'investissement communautaire

En cette période d'instabilité financière, l'investissement communautaire est, à mes yeux, le meilleur moyen de soutenir le développement d'une économie qui répond aux besoins de gens bien réels, tout en obtenant des rendements raisonnables. Il permet de financer des projets de développement communautaire visant à améliorer la qualité de vie des gens, en privilégiant des modèles coopératifs et l'économie sociale. Ils financent, par exemple, des projets de logement social, de réinsertion économique et la mise sur pied de coopératives et d'entreprises culturelles.

Tout ça pour dire que plus nous serons nombreux à exiger des pratiques plus écologiques et plus équitables de la part des entreprises, plus rapidement ces dernières seront forcées de passer de la parole aux actes. Il y a des valeurs bien trop grandes pour être mesurées en simples dollars.